L’art contemporain du Moyen-Orient

A l’heure où les commentaires sur l’ébullition politique du monde arabo-musulman jouent volontiers sur la corde de l’archaïsme moyen-oriental, l’un des mérites de Saeb Eigner est de mettre sous les yeux des amateurs d’art et des curieux le dossier d’une modernité affirmée. L’art du Moyen-Orient est un livre splendide, plein de surprises et d’une magnifique santé. Les artistes arabes et iraniens sont sur le pont et ne craignent pas le gros temps. Plus de 450 œuvres de 200 artistes, reproduites en couleurs et présentées avec passion et pertinence, font de ce livre le sésame d’une caverne d’Ali Baba contemporaine.

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La couverture reproduit Les grands succès d’Oum Kalsoum, de Chant Avedissian (né au Caire en 1951), situant d’emblée les enjeux et marquant le parti pris de décloisonnement qui préside à l’entreprise. La présentation des œuvres se fait selon de grandes articulations thématiques : les textes sacrés, la littérature, la musique et le spectacle, les conflits et la guerre… Toutefois, le texte et l’écriture, la lettre, se font jour, se déploient, affleurent partout et selon toutes les techniques possibles, des néons de Shezad Dawood (né à Londres en 1974) à la calligraphie sino-arabe de Haji Noor Deen (né Mi Guanjian au Shandong en 1963). C’est une ligne de force. Tout comme la réflexion sur l’histoire et l’héritage ancien, dont témoignent par exemple les œuvres hiératiques de Parviz Tanavoli (né à Téhéran en 1937) ou les compositions de Massoud Arabshahi (né à Téhéran en 1935), qui doivent autant à Paul Klee qu’à la Perse achéménide. Le travail de Youssef Nabil (né au Caire en 1972) se joue lui des stéréotypes orientalistes. Celui de Samira Alikhanzadeh (née à Téhéran en 1967) manifeste à l’égard du passé une perplexité enjouée.
La guerre et la violence marquent inévitablement de leur lourde empreinte la vie et les œuvres. Dia Al-Azzawi (né à Bagdad en 1939) constate leur dynamisme et leur puissance de fragmentation ; Ghada Amer (née au Caire en 1963) en recueille une mémoire figée dans la douleur. Les installations de Wafa Hourani (né à Hébron en 1979) se situent à leur marge, dans un équilibre précaire. Rue Al-Mutanabbi de Himat Mohammed Ali (né à Kirkuk en 1960) en mesure l’impact sur le livre.

Il faudrait citer chacun de ces peintres, de ces sculpteurs, de ces plasticiens, mais le propos n’est pas ici de refaire le travail de Saeb Eigner. Simplement d’en indiquer la richesse et l’intelligence. Et qu’un beau travail éditorial ne gâche rien, au contraire.

L’art du Moyen-Orient permet en somme de partir à la découverte d’un territoire de l’expression contemporaine largement ignoré dans nos contrées. Il permet également la révision de bien des idées reçues. C’est toujours un grand plaisir de découvrir le monde plus riche qu’on l’imaginait.

L’art du Moyen-Orient, par Saeb Eigner, éditions du Toucan (2010).

Disponible dans les librairies Voyageurs du Monde et sur ce site.

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